Lisbonne – Octobre 21
Face le tage et sculpture d’Almada le "d" de son nom comme à percer les nuages qui ne crèvent pas octobre venteux et les pavés bruns menus débris bruns semblablement de verre (bris de bouteilles) et capsules Super Bock blanc rouge à éclairer la pierre les mégots proche la rumeur automobile mâtinée de la musique au kiosque ceux-là leur jus d’orange face le fleuve sur des chaises allongés et les tuk-tuks à attendre le client les trottinettes et cette sculpture roue de vélo à songer Duchamp et la Rue de la Lune Paris à voisiner 1 librairie d’occasion… tournoient les mouettes au ciel et leurs cris qui se déversent dessus nous ? sans même que l’on s’en aperçoive ces autres à la jetée liserées d’algues et éclatement des vagues où je les confond parfois au bruit des poulies ou cordes le fracas métallique des ferrys qui amarrent où je m’éloigne en pensée vers Almada de l’autre côté des eaux et Cristo Rei le Pont du 25 avril comme un trait d’union le ciel ô Verlaine est par-dessus le Pont Soleil l’odeur des algues
27 10 21, 11h05
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La planche détrempée de contreplaqué à Martim Moniz au bas de bande bleue, rua Nossa Senhora da Saúde et toujours les cartons gros-diables que serre un tendeur vers le centro comercial Mouraria au lieu où tournent les prostituées matin d’après la pluie forte de la nuit dessous le paulownia où j’écris et ses capsules à terre à l’herbe devrais-je dire mauvaise, une odeur de tabac froid où s’en vient un diable encore vide à ferrailler les va-et-vient à la rua da palma proche et le tram ô brodsky matin humide des calçadas-leurs joints moussus passe un type sacs grands déformés de pain aux épaules où le soleil voudrait percer – je songe Les Pains de Jean Hélion à Berardo
29 10 21, 9h41
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Dessus les marches roses jaunes marbrées de l’église São Nicolau l’obscurité que forent des chandeliers veilleuses et cierges une odeur en pensée d’encens adossé aux grilles vertes d’elle et les ginkgos trois jaunis comme Trois roses jaunes de Carver leurs feuilles-éventails au pavé-descente vers la rue Aurea passe le cantonnier ses poubelles rouges & uniforme rouge à rien de là la nettoyeuse petite rua dos Douradores, j’allais écrire rua do desassossego, ô Soares son inscription à même le sol : Serei sempre da rua dos Douradores como a humanidade inteira, ça encore dedans ma tête comme tintent des tasses au SUMMER CAFFÈ proche (rua da Vitória), la serveuse son tutu rose serre-tête de roses roses, ô Helder & Klée : Si je tenais le monde entier dans ma main, je l’échangerais c’est sûr contre un billet pour la rue des Douradores
29 10 21, 10h54
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L’église São Nicolau la cloche dedans sa niche que voisinent des azulejos, assoupie, taiseuse, un temps
29 10 21, 10h56
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Les feuilles au sol dans l’ascension vers le château des Maures à Sintra je pense à Jean Arp : Feuilles placées selon les lois du hasard, 1937 à Berardo, les châtaignes dans les rigoles
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A sintra de dessus une terrasse et nuit la rue en contreplongée et les phares rasants des voitures la nuit des voitures, ô MAP à l’automne pluie vent et la verdure qui se perd à l’obscurité que fore au premier plan l’or orangé de fenêtres comme les portes en fer à cheval de la gare du Rossio où la grue là indique 15 heures en bordure de la terrasse piquée d’herbes factices voisinant la table mienne l’oiseau qui s’en vient
29 10 21, 19h45
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Matin rossio et le pavé deux fois trempé entendant parterres de vagues à évoquer un passé maritime et pluie de la nuit d’avance les décorations de Noël les troncs gainés de guirlandes des jacarandas et sapin factice en forme de cône les guirlandes pareillement des cônes blancs appendus ça ou j’imagine guirlandes enluminées les cordes comme dans une œuvre de Leonor Antunes, par où je passe et joggeur 1 branche au sol de jacaranda le vent de la nuit
30 10 21, 8h29
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Martim Moniz les trottinettes de dessous les chênes rouillés couleurs-feuillages comme de Josef Albers Study for Homage to the Square : Blond Autumn vent et les feuilles [dispersées] à l’herbe selon les lois du hasard ô Jean Arp matin un chien traverse la place et aboie après des pigeons où plus loin ils se rassemblent repartent dessus le toit de l’église voisine reviennent et pourquoi je songe ce personnage dos à l’équerre à la place Beaubourg cerné de pigeons, celui-là même du Paris de Bitesnish où je le vois fantôme (je veux dire le personnage à l’équerre) comme dans un film de M de Oliveira, j’entends le tintement d’une cuillère à main droite et à gauche le tram à l’arrêt devant le Restaurante Marisqueira une mouette à se vider de son cri où le regard un temps se tourne vers l’intérieur et ça dedans la tête d’Anish Kapoor vent pluie les eaux se rident au bassin proche les arbres à s’ébrouer coquille d’œuf capsule au sol une odeur de curry
31 10 21, 10h43
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SINTRA
L’autre moulant ses natas dans la vitrine illuminée d’automne et cette odeur de fer chaud quel outil travaille encore à cette heure son odeur mêlée de vanille et de pluie où dégoulinent les bannes et les ponchos il y a ces bruits de verre et ces autres aux terrasses de dessous des parasols et les flammes-réchauds qui les voisinent soir presque comme un rideau de théâtre à toucher les planches où la calçada détrempée fait office de planches 6 heures presque et les cloches maintenant de l’église voisine comme je me déplace de dessous les marches d’un porche longeant 1 boutique de vin et cette inscription de Pessoa sur fond or d’une pancarte que le vent fait claquer contre la façade blanche d’elle :
« Boa é a vida
Mas melhor é o vinho. »
De dessous les bannes de la boutique de vin et les phares qui m’éclairent d’une voiture le chemin de la gare comme de Corot il y a ces cheminées blanches là… à la descente-pavé face 1 + 1 qui s’en viennent et Piriquita comme je touche machinalement l’obscurité des poches, une odeur d’eucalyptus remonte ou fruits amassés aux sentiers du château des Maures 1 son de guitare au loin en sourdine vers O mundo fantástico das sardinhas sa roue dans la vitrine
02 11 21, 18h09
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Matin-Gulbenkian dans la fraîcheur de l’automne silence et l’odeur des eucalyptus quelqu’un ratisse à l’herbe les tas de feuilles dans l’automne pourquoi j’imagine 1 feu d’herbe et la pluie par intermittence les mousses aux arbres je te revois ô gulbenkian comme un Tage vert et le chant des merles tel je m’enfonce aux tunnels de verdure la pluie tombe de dessus des galets et feuilles de platanes à tapisser les cours d’eau et les colverts cascades l’amphithéâtre pour personne seul le pavé herbu et ça poussée sur la scène 1 pluie combien de fois ici le jazz à la nuit dans le voisinage des eaux herbes spectre de satuko fudji et maria joão 1 lézard s’enfonce dans une brèche comme revient le soleil ou tache de soleil je vais et ce bronze nu (Nu de mulher, 1933) de Ruy Gameiro mâtiné de papyrus face aux eaux et les bambous cascade
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Où je m’assois de dessus un rocher dans le voisinage des bambous automne et la cascade proche comme dans une œuvre de Noémie Goudal Les Amants (Cascades) et pourquoi penser Les Amants (Promenade) ou (Palmier) où l’eau se déverse de dessus des galets et jusques à cette mare là-bas colverts et carpes à songer celles-là d’Apollinaire ou Van Beyeren et les papyrus rochers lierre fougères où un chemin se perd au regard et celui-là que j’emprunte un temps en pensée pavés comme de Carl André bruits de cascade vent aux bambous où je m’adosse et ceux-là qui me coiffent
Jardim Gulbenkian, Sam. 06 10 21, 10h35
JEAN-PAUL BOTA