Anna ou Eve
(D’après le poème A Anna Blume, de Kurt Schwitters)
Anna ou Eve, comment savoir ce que cette bête nous annonce, quand elle marche sur la tête avec son chapeau sur les pieds. Et sa robe rouge ou verte ou bleue. Qui est-elle, cette femme fleur, dont la froide ardeur est un brasier ? Quand elle se promène sur les mains, les pieds en l’air comme un clocher. Anna ou Eve, que sait-elle de nous, qui la lisons dans les deux sens ? Qu’apporte-t-elle à nos vies, avec sa distance éprouvée dans les brumes de nos existences ? Nous naviguons comme à vue, sans jamais deviner les lendemains, parsemés de nos obstacles cachés, ces défauts invisibles que nous affrontons en les ignorant. Nous avançons, elle est présente, nous observant avec son chapeau, sa robe rouge ou verte ou bleue. Est-elle à nos côtés, Anna ou Eve, pour nous aider à atteindre notre cœur et enfin être ce que nous sommes ? Ou attend-elle le moment de notre final avec impatience, afin de nous voir chuchoter en nous écornant les ailes ? Anna ou Eve, petite mère de souffrance, nous pardonne nos incivilités, en nous bénissant d’une main, en nous envoyant en enfer de l’autre. Nous sommes ces petites poussières qui jalonnent le parcours des dieux. Ils nous écrasent en cherchant à rejoindre le ciel et nous crions à l’injustice de nos derniers moments. Anna ou Eve, serait-elle le cœur de l’œuvre ultime, au centre même de nos corps, abandonnés pour d’autres voyages qui font rêver nos âmes ? Anna ou Eve, simple promeneuse qui nous enseigne comment contempler l’envers du ciel.
Christophe Pineau-Thierry