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La liste de Vincent Motard-Avargues


Du tac au tac




On parle de la mère, de la mort, de l'amour, dans ce recueil de Marianne Desroziers. Poésie qui parle, simplement, sobrement, par touches discrètes, instantanés de vie, vies parties, absentes mêmement présentes. Présences d'une image, parfum, vêtements, photos, polaroïds d'un passage forcément éphémère. On voit, ne voit plus ; on aime, toujours. La perte n'est que physique, le gain de l'affect sans fin. La perte ? Mais on ne perd pas, on sème à tout-va. Ça poussera, peut-être, quelque part, quand on lira ce poème qui voit cette photo, ou quand on verra cette photo écrire un poème. "Le corps de la mère // Une mère / Un corps / Une silhouette / Un sourire / Mains qui touchent / Attrapent, portent, caressent // Le corps de ma mère / C'est tout un poème / Longs bras, grandes mains / Dos vouté / Longs cheveux noirs /Visage allongé // Ardèche, juin 73 / Assise dans l'herbe, de profil / Les yeux baissés / Peut-être lis-tu ? /L'image ne permet pas de le dire /Les photographies ne disent pas tout // Celle-ci me permet / De retrouver ton corps / Il marquera toujours ma voix." (Ma mère en automne, Photopoèmes, éditions Alpes Vagabondes / Gros textes.)


On parle aussi de la mort, de la perte, mais d'une tout autre façon, plus légère, faussement légère. Le rire est une façon de hurler avec le sourire. Hurler la peur du vide, cet inéluctable abysse qui nous menace tous, tôt ou tard - bon, le plus tard sera le mieux, hein !... Mais l'humour de Michel Thion, loin de l'abattement, d'un lyrisme tremblant, nous offre une parenthèse, des guillemets, guillerets, oui, mais pas que... L'humour est une façon de foncer tête baissée dans la réalité, en donnant l'air de s'en contreficher absolument. Comme un dandy répond par une pirouette à la catastrophe qui lui tombe dessus. Sachons rester dignes, s'il vous plait ! Dignes, oui, mais dans l'expression la plus complète, absolue. N'omettons rien. Ne nous aveuglons. Michel Thion, de par sa poésie comme ses engagements politiques, n'est pas coutumier de la fuite dans l'irréel. On rit de la mort, pour ne pas se moquer de la vie. "Tu te plains du peu d'années / de vie qui te restent. // Sois positif, songe plutôt / aux milliards d'années de Mort // Qui t'attendent." (p12) "À son adolescence / / La mort // N'était pas facile à vivre. // Son linceul crasseux en boule sous le lit, / Des osselets partout dans la chambre, / La faux toute rouillée, / La solitude // Et les parents qui ne comprenaient rien." (p34) (Chroniques de la mort, La Rumeur Libre éditions)


On parle de la mort, encore... Heu, non, du tout, en fait... On parle de la vie. De la naissance d'un enfant. De la naissance d'un père, donc. De la mort de l'enfance du père pour la naissance de celle du fils. Oui. Donc, a priori, aucun lien avec les précédentes notes... Sauf que ce livre de Thierry Cazals, a paru chez Éclats d'encre, maison créée et dirigée pendant une trop courte dizaine d'années, par la regrettée Sandrine Fay. Gentillesse, droiture, 'honnêteté, sincérité, exigence, intégrité, humour... Toutes ces qualités, rares, cette grande dame les possédait. Et il suffit de lire la plupart des livres qu'elle a publié, pour comprendre le jusqu'au-boutisme impeccable, admirable de cette personne rare... Mais revenons au livre, au magnifique livre de Thierry Cazals... Magnifique, oui. Pas un mot de trop. Pas un espace superflu. Pas un vers bafouillant un amour inconditionnel niais. Tout est vrai, intense, sincère, juste. La vraie beauté. Celle qui n'est pas un artifice superficiel, mais un feu d'artifice existentiel. "tu m'enseignes / à ne prendre au sérieux // que les dérapages / les éclaboussures // les brouillons éblouissants // de la vie / non préméditée" (p38) "ta maman et toi / papotez à bâtons rompus // comme le feraient // une herbe et une étoile" (p63) (Visage de la neige, Éclats d'encre)



Et l'enfant grandi, devient une ado. Qui joue de la guitare folk. Et qui, d'une voix tout à la fois fragile et tenace, légère et inscrite dans le marbre d'un talent indéniable, offre des mélodies sans outrance, aux arrangements subtils, aux textes qui, faussement légers, soulèvent des questions auxquelles nul n'a été fichu de répondre en quelques millions d'années. Dont la plus importante : où allons nous ?... On sait d'où nous venons. De là. D'ici. D'eux !... On sait qui nous sommes. Rien. Ou pas grand-chose, du moins !... Mais où on va ? Ça... En Californie, Paris, Berlin... Se demande Billie Marten. Espérant ne pas se perdre. Ne pas perdre les siens. Ne pas trouver la perte, dans une quête effrénée, inconsciente, irrésistible d'ailleurs... Oui, on pense à Brassens, mais elle ne le connaît pas, elle. Alors on se laisse guider par ses hésitations, ses coups de coeur, ses larmes dans le vent, et la mort qui rôde, encore, oui, lien de ce trimestre - triste maître ? Non. La mort n'est pas plus triste que la vie est belle. La vie vit, la mort itou. (Writing of blues and yellows, RCA)



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