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Yannick Torlini

 

 

à cette guerre, à cette guerre sans nous, sans personne, à cette guerre nous laisserons tout. à cette guerre nous laisserons nos corps las, nos pensées inquiètes, chaque geste chaque geste d’amour pour ne pas sombrer dans l’oubli des friches. à cette guerre, nos mains qui cherchent, nos paumes, les doigts qui creusent, les doigts et les chairs à venir sur l’os toujours à venir sur l’os. nos mains, pas mains, à cette guerre sans doute nos mains et le désastre qui guette dans nos crânes. à cette guerre sous le sol, les strates, entre les ruines, dans la glaise et sous les racines, à cette guerre nous appartenons malgré tout. quelque chose, quelque chose de cette guerre contre l’insecte, le ver et la poussière. quelque chose quelque chose de cette guerre contre la pourriture et la menace. nous appartenons. nous appartenons à nos langues désertes, à nos langues qui nous ont échappé. vous n’entendrez plus nos voix, seulement le bruit de nos os contre les pierres, le souffle du vent entre nos côtes, nos ongles qui poussent encore, grattent chaque centimètre de terrain arraché à la vermine. nous ne parlerons plus vous n’entendrez plus que nos corps et ce qui se désagrège.

Suite dans le FPM 12 (octobre 2016)

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