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Ouverture du FPM N°5

 

Serge Pey

 

 

 

Tout poème se comporte

comme un fil de fer

 

 

Chaque regard qui le lit

le plie avec ses yeux

comme avec des doigts

car il garde toujours

la trace de celui

qui l’a lu même une seule fois

 

 

Les yeux sont aussi des mains absolues

qui tordent ce qu’ils regardent

 

 

Pour vraiment lire un poème

il faut savoir effacer les pliures

des regards

de ceux qui l’ont lu avant nous

en le tordant

 

 

Mais on le sait

cela est impossible

On n’efface pas les regards

et tout poème se lit définitivement tordu

dans tous les livres

 

 

Pourtant il existe une solution

il s’agit de couper le poème en deux

à l’endroit exact de la trace de la torsion

laissé par le regard qui l’a lu

 

 

Pour cela il faut tendre le poème entre ses doigts

et le plier de nombreuses fois sur lui-même

par simple rotation

ou mieux en le lisant plusieurs fois

au même endroit

 

 

Le poème va chauffer à cet endroit précis

et se rompre lentement en deux poèmes :

le poème de celui qui l’a écrit

et le poème de celui qui le lit

 

 

Mais évidemment personne ne verra

le poème qui se lit lui-même

qui se trouve exactement

au centre vide de sa rupture

et qui est la véritable lecture

de son avenir

 

 

Nous ne lisons toujours

que des morceaux de poèmes

comme devant un fil de fer coupé

qui pour se lire ou s’étirer en entier

doit être à nouveau rassemblé

infiniment

 

 

Ainsi nous allons

avec des morceaux de poème

dans les poches

à la recherche d’un feu qui le soudera

et qui fera avec leurs morceaux

un seul fil étiré

dans la patience de celui qui le tordra

une nouvelle fois

en crevant ses yeux

pour le lire

 

 

 

 

 

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