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Roland Dauxois

Eloge des ombres

Souvenez-vous, tout ce qui fléchissait alors, 
tout ce qui se tenait derrière la montagne,
le feu faiblissait et agonisait la flamme,
une forêt s’éveillait, crevait l’armée des brumes
comme la racine têtue se libère en repoussant le bitume.

**

Juste entre cette faille en bordure de nos cris
et cette rude frontière où la nuit se replie.

Juste entre ces deux quartiers
l’un se réclamant du jour, de la beauté,
l’autre de l’abîme, de l’immensité.


Juste entre deux villes
qui  poussent et se fondent,
prises en tenaille entre les terres qui les avalent
et les marées qui les assaillent.

 

**

Atteindre  ce point  de la démesure
ce point ultime de l’embrasement nécessaire.

Veines futiles, 
pauvres essences,
un demi- siècle d’émiettements et de hersage,
là où l’ombre verse son lisier
où le rire d’une ancienne éclaire les rosiers.

Un demi-siècle d’émiettements,
de surprises souillées
et cette présence-absence derrière la vitre
obsédée par sa seule tâche d’ouvrière têtue :
escamoter le ciel d’un seul coup de volet rabattu.


 

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