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Marthe Omé

Le langue mort attend un aube

Chaque fois c'est pareil

on croit qu'on est arrivé

et puis non

il faut encore marcher

tu sais

aller jusqu'à la borne

là tu peux te poser

te reposer

rien de tel tu repars

tu remets tes idées

à la selle

tu retournes dans le monde

satisfait trop satisfait

le monde

qu'est ce qui lui prend parfois

tu sais bien que tu reviens

sur une terre natale

ta langue

comment déjà

maternelle

on t'a dit

la langue maternelle

tu sais le nom des choses

celles que tu as apprises

les autres ignorées sont

dans le monde

absentes de ne pas être

dénichées

toujours tu cherches à

remonter le courant

celui que tu ne connais pas

la langue fourche

un père c'est celui qui donne

la semence

pourquoi on dit pas

langue paternelle

tu sais pas répondre

tu restes bras ballants

sur la route

à la borne

t'es pas tout seul

des fois tu casses

le dur des mots

tu concasses le mou

des voyelles

sur le dos de ta langue

tu majuscules tu

infirmes les lettres

tu infinitives tu

éteins les verbes

tu foudroies tu

recules jusqu'au

mutisme  tu

cries

les autres

aussi

autour de la borne

le cri

AR TI CU

LA TION

DE FLUX

RE FLUX

FLU XER

RE FLU XER

LU XER

LU XU RE

DU CORPS

DE LA

LAN GUE

je ne parle pas anglais je

ne parle pas de langue

étrangère je suis française

je parle aux étrangers je

suis étrangère dans les pays

qui ne sont pas mon pays

natal je suis étrangère parfois

en France je suis étrange je

ne parle pas bien le français

le français est une langue

latine j'ai commencé à parler

pour faire comme tout le

monde c'est par imitation que

les gens parlent je ne parle pas

la langue paternelle les langues

sont des organes vivants la langue

de bœuf se mange les langues se

tournent sept fois dans la bouche

les langues se mélangent les langues

pauvres les langues mortes les

langues muettes les langues coupées

les langues vertes les langues de bois

je ne sais plus parler

la lettre A

c'est la plus

abîmée

c'est lE

commencement

on aurait pu

partir

du B

la langue du père

elle partirait

du b

le bêtabet

on dirait

une bombe

langue incendiaire

langue en cendre

tout le monde parle partout

à tout moment sur la

planète ça parle

dans toutes les langues

dans chaque coin

de la terre ça

parle/toutes les langues

qui bougent à tous les coins

du monde/c'est vivant

c'est linguistique çà

mâche les mots/haché menu

ça décortique/çà avalanche

de mots/jurons/prières/

slogans/recettes/faits divers/

poésies/versets/sommaires/

vers/récitations/modes d'emploi/

discours/proclamations/ avis de

décès, naissances, mariages/

remerciements/ monologues/

confessions

je ne suis ni un homme

ni un dieu ni une pierre

ni une boussole ni un mur

auquel on s'appuie je ne suis

rien de tout cela ni un oiseau

je ne vole pas je ne survole aucun

jour je ne suis pas top model

je ne suis pas un canon je

ne suis pas élue ni mendiante ni

prostituée ni femme d'affaires ni

révoltée je ne suis pas encore

née je crie mon nom

retenu dans les griffes

du prédateur je ne chante

pas je parle la bouche pleine

de cailloux

 

j e       p a r l e

 

l a     b  o  u  c h  e     p l e  i  n  e

d e      c a i l l o u x

Des fois t'es en panne

crac

langue coupée

crac

à la limite de

l'animalité

crac

sans bord

crac

divisé

ce que tu n'as jamais dit

c'est où ?

crac

t'es au noyau

tu craques

t'avales le noyau

tous les mots

où tu meures

quand tu parles

sont là à la

borne

les pierres silencent

les murs silencent

les herbes se taisent

le ciel se tait la terre se tait

le sol se tait

les arbres ne disent rien

les hommes parlent

je n'entends plus rien

je veux rester près des pierres

pour entendre  

ce qu'elles ne disent pas

les mots eux seraient dehors

derrière la vitre

ils se cogneraient sur la glace

les mots sont sur le carreau

ils se les gèlent              

ils se frottent

se dressent

infranchissable

la vitre

toi t'es à l'abri

tu connais pas la langue

c'est de la ouate dans le corps

ça te pénètre les bruits du

monde tu peux en mourir

les fleurs aussi tout le monde

est au courant pour les fleurs

sauf elles

parce que la langue

son  fruit te touche

te palpe sous la peau

tu veux parler avec

une vraie langue

une langue rouge à sang

pas trafiquée

qui pèse son poids

que la chair des mots

elle t'emballe les os

tu sais tout çà

t'es pas tout seul

tu reviens à la borne

tu sais là où on t'a dit

c'est ici t'es chez toi

t'es libre t'écris sous le corps

en dessous sous terre

hors champ t'échancre

au bord lignes ouvertes

sillons tracés tu creuses

tu sillonnes à perte

ton corps dans le décor

les mots t'absentent

toi dedans sans voix

sans paroles

ton corps dans l'indicible

t'as enterré tous les mots

tués, mots arrachés

tu les a mis sous terre

les gisants

tu attends

« tout finit par repousser »

c'est çà qu'on t'a dit

tu implores que çà

repousse

suivre les bornes

tu lis les chiffres

intervalles mesurables

intervalles non mesurables

la musique

dans

ta

bouche

entendre la musique

entendre la musique

entendre la musique

entre les notes

écrire dans l'entier

de ce qui façonne la parole

ta langue mue

dire le solitude

dire la ciel

dire le douleur

dire la père

dire le mère

dire le patrie

dire le forêt

la racine pousse dans le

solitude la cri pousse

dans le douleur la vie

dure à pleine temps

ça use toute la jour

tout le nuit

un obscurité profond obsède

le main écrivant

le langue mort attend un

aube

la silence tranche la vide

ça explose dans le voix souterrain

on peut dire le torrentiel musique

jusqu'à la bord du page

du page de la départ de

la verbe

la verbe tient une horizon

derrière le ligne

on entend une frissonnement

de la plaisir

le frontière te dépasse

totalement

la dépaysement

une corps

une écho une rire

une cri une son de ton

bouche

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