Ma
vie
au vil
lage
Serge Marcel Roche
Du temps sorti d'elle la nuit reprend tous les dessous sanglants, les lave en sa machine ayant ses cendres, sa potasse, pendant qu'on se tient dans une ombre sale, dans le vieux jauni des revers, moi au renfont de quoi, de quel destin sans nom, étrangement qui suis un nègre à ma manière, debout à la lisière, sans appui, assis parfois quand j'ai les veines, le ventre lourd, la fatigue des frontières, avec peut-être un verre en main, le tabac jamais loin de la pipe, je regarde sur la ligne en face des calaos bruns, jouant de l'œil les frondaisons où se posent en clamant ces dieux, j'entends la prophétie sortir de leurs becs difformes, la vois dans un reste de bleu, une trace de peinture au bord du tableau, la discerne : plus d'hommes et plus d'oiseaux, mais il y a des quelqu'uns sur la branche. Restons au soir, au suspendu de l'air, où l'on voudrait que le bonheur ne passe s'il n'est qu'enveloppement de tout par cette ombre-lumière et douceur inconnue, femelline caresse que pourtant l'on repousse car le fruit de la nuit bientôt nous ignorons ce qu'il sera, ça demeure au-dessus, légèrement devant, ça nous touche où nous sommes oui mais nous laisse là dans la confusion des couleurs, dans l'obscur de nous. Se vide la bouteille du jour et j'entends le chant du coucal, long glouglou triste qui sonne.