Henri Cachau
Le tambour
Le caprice comme moyen de séduction ou de contestation ?... A cette époque je n’en connaissais pas les réels pouvoirs, j’agissais compulsivement, de mon mieux emmerdais mes parents qui me le rendaient bien, par-dessus mon insignifiante personne s’envoyaient vaisselle et reproches… Une époque où je prenais un malin plaisir à me promener aux quatre coins du quartier en tambourinant sur ma timbale, sans penser à mal, sinon que mon entourage s’intéresse à mes improvisations, sans songer, évidemment, à l’irritation que ce tintouin provoquait chez des individus sensibles de ‘l’ouïe ou possédant, les malheureux, l’oreille absolue…
Une trompette eût-elle été plus efficace ?... Lors de mes intempestifs roulements, assourdissant les hommes, effrayant les animaux, je me référais à celles de Jéricho, au récit de la prise de cette ville palestinienne par les hébreux, dont ils s’emparèrent en y assurant une circumnavigation de sept jours autour de sa citadelle… Une semaine non-stop d’un concert de fausses notes, une commotion de décibels assurée à l’aide de buccins et de cornes d’airain avant que la muraille s’effondre… Me concernant, je souhaitais faire tomber le mur d’incompréhension me séparant de mes congénères adultes ; d’ailleurs, mes camarades m’encourageaient, les lâches !...
Chaque fois que mon tambour m’était confisqué il était placé sur le haut d’une comtoise trônant dans notre cuisine, il s’agissait d’une mécanique branlant du chef tout en oscillant sur ses appuis, qui d’une vigueur loin d’être primesautière démesurait un temps inégalement réparti ici-bas, avec une régularité de montre suisse planifiait la vie ou ce que j’en devinais des figurants circulant à mon entour…
C’était ma grand-mère qui faisant fi des reproches, je ne sais, si amusés ou réels des autres membres de la famille, me le restituait en me demandant d’aller battre plus loin, sinon ils se fâcheraient pour de bon !… en me disant cela elle riait sous cape, j’en étais réconforté, je battais encore plus fort…