Balval Ekel
Spectateur définitif
On aimerait que ça se ressemble
Que ça prenne sens
On aimerait pouvoir parler
des heures
sur tous les points communs
Non ?...Vraiment ?...C’est fou !...
On aimerait pouvoir dire « Ah bon ?...Moi aussi ! »
Même pour une histoire de chandail
ou de coiffure de cadeau dans l’enfance
dire : « ça me rappelle ma mère »
ou « le jardin de mes grands-parents »
mais aucun n’avait la main verte
On n’a pas regardé leurs émissions télévisées
dévoré les mêmes biscuits au goûter
on ne sait plus
comment se rattacher
Sur la touche toujours
exilé à jamais
Spectateur définitif
des points communs et coïncidences
on arbore un sourire entendu
fabriqué de bonne heure
un petit signe de tête pour dire
« comme je vous comprends »
Tous ceux qui trouvent
dans le moindre recoin
des camarades de fortune…
On se demande quel sens ça a
de chercher inlassablement
une connivence
impossible
Cet espace qu’ils occupent
ceux qui sont allés en vacances au même endroit
ont fréquenté les mêmes écoles
joué aux mêmes jeux
fait l’amour aux mêmes filles…
Les voilà bien mieux assis
que tout à l’heure
sur un fondement bien large
La machine à souvenir est prête à démarrer
la bétonneuse amicale
à construire de nouvelles relations
A applaudir à tant d’heureux hasards
l’entreprise de rétrécissement se déclenche
Les coïncidences s’accumulent
dans leur clan
l’inconsistance ailleurs
Ballotté sur une mémoire démontée
on largue les amarres
Dans le brouhaha
de ces incroyables retrouvailles
où l’on ne se repère plus désormais
comme le chat d’Alice
on disparaît
Ne reste qu’un sourire
complice faussement