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LO MOULIS par RÉGIS NIVELLE

 

Il y a de cela quelques semaines, lorsqu’on ouvrait la page internet du site éditorial des Éditions TARMAC, on était accueilli par une singulière petite vidéo. On pouvait y voir la rame d’une embarcation entamer sans hâte, dans un incessant et silencieux mouvement, la surface des eaux paisibles d’un lac ou d’une rivière.

            Intrigué par ce petit film qui m’évoquais la métaphore Alicienne du miroir, je me décidais à le visionner sur Vimeo en agrandissant la fenêtre pour le lire en plein écran.

Une légende y disait : « Quelque chose déborde, quitte la rive Les chemins les rivières les cheveux Laisse filer une ombre errante, un rêve fou »

C’est ainsi que je découvris les vidéos de Laurence Moulis, puis plus loin la présentation de sa recherche plastique sur les pages lomoulis.net/ ou  meme-pas-grave.over-blog.com/ 

À la lenteur du regard sur le monde que pose l’artiste photographe, vidéaste, céramiste et graveuse, se lient force, finesse, bienveillance et humanité.

Ce regard est un langage ; un Fado.

Il n’y a pas à le commenter parce qu’il n’appelle pas à cela. Il s’agit d’abord d’entendre son propos sensitif, ses émissions émotionnelles ; ce en quoi une telle démarche peut par exemple nous interroger. Pourquoi d’ailleurs toujours commenter ? On essaie au préalable d’entrer en relation avec cette parole silencieuse ou l’on passe son chemin.

Et si on a le courage de s’intéresser aux autres, à ce qu’ils proposent souvent dans un murmure, on envoie en retour des signaux d’amitié, de fraternité pour dire la joie et l’intérêt que l’on éprouve à découvrir leur espace de création, le dire allusif du rêve qui s’y manifeste, la sensation à la fois intranquille et délicieuse des départs qui y sont suggérés. Nul besoin alors de grands mots. Aucune nécessité non plus de devoir comparer ce qui s’y noue ou s’y dénoue à d’autres propositions inscrites dans l’histoire de l’Art.  

Pour ma part, j’ai simplement voulu témoigner à propos du travail de cette artiste parce que j’ai aimé me sentir invité par les formes visibles de sa musique intérieure. J’ai aimé être désorienté, dérouté, dans la lecture de ses eaux-fortes où se rencontrent autour des apparitions ou des absences, des temps d’enfances (emportement et innocence) ; où entre l’esprit et les choses ou les lieux, entre des allégories et des histoires, entre la violence et la grâce, le dialogue entretenu est constant. J’ai également vu un geste s’accorder à une danse des épiphanies dans l’invisible et perpétuel mouvement ; entendu que pour l’artiste dire ne semblait pas essentiel. Alors je me suis laissé transporter au gré des visions et des paysages inconnus qui transparaissent parfois en surimpression d’un étrange codex. J’ai pris la route que m’ouvrait cette œuvre étonnante, suivi ses tracés sans attendre de savoir si la forme d’une médiation quelconque entre la technique et le chant se révèlerait et installerait une distance.

Tout est juste dans le regard de Laurence Moulis ; doux et implacable à la fois.

Elle est l’œil, le point de vue, le tracé, le trou, le geste même qui caresse les mythes dont le stuc se défait, et qui se prête au silence jusqu’aux marges des patios, des chambres à ciel ouvert, jusqu’aux ombres verticales qui contestent l’hégémonie de la lumière ; la desquamation lépreuse des murs de la ville surveillée par les chiens.

Dans un monde où l’information et la publicité obturent la parole pour promouvoir la consommation et empoisonner notre noyau de spiritualité, des résiliences éclosent ici et là qui maintiennent ouverts des réseaux d’opposition au consumérisme et à la crétinisation, des lieux où se rencontrent artistes et pratiques artistiques qui permettent de reprendre d’autres narrations, d’autres liturgies.

 « Nous sommes définitivement éphémères » oui, et nous conjuguons paradoxalement cette durée précaire avec un sentiment d’immortalité, acceptant ainsi notre destin.

Alors la trace, comme le chant ou la danse épousant les lignes de l’imperceptible bouche du gouffre, nous offre l’issue : la dérive.
Je regarde encore votre Eklinggarh - T’envoie mes prières, te souhaite la lumière et du vent

 et dans ma tête des personnes dansent comme des oiseaux

pendant que la mort dont j’ai la garde me soulève l’estomac.

Obrigado Laurence Moulis

pour votre fado vagabond, son errance sacrée.

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