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Ana NB

c'est là c'est de là c'est de ce lieu ce lieu de départ une longue file d' hommes et de femmes d' hommes sans voix de femmes sans voix un flux immense de silence noir qui se déplace d'un point du jour à une longue nuit c'est là c'est de là d'un point de village à un point de la montagne d'un point d'une frontière à - c'est là de là un flux de silence qui cogne contre le corps qui cogne contre le vent qui cogne contre le ciel qui cogne  contre la mer une longue file de pas étouffés par la neige de peaux prises par le froid la faim - de l'autre point de l'autre côté de la frontière c'est là une interminable descente de temps asesinado de vie asesinada c'est là c'est de là un long tracement de pertes de bruits de chutes de cris de superpositions de cris de voix heurtées du son infini d'une plainte temps asesinado vie asesinada c'est là - c'est de ce lieu minuscule de ce point perdu d'un lieu d'un lieu sans nom d'un lieu sans écho c'est de là c'est dans ce mouvement flottant d'hommes et de femmes d'hommes en manteau noir de femmes en manteau noir c'est dans la rupture des empreintes dans la rupture rouge des corps tombés des voix inanimées c'est là la décomposition du chant asesinado le chant des hommes asesinado le chant des femmes asesinado c'est de là de la tête inclinée de la courbe du dos de la raideur des bras des mains c'est de là de la fuite de l'aube de la fuite du jour c'est de là de l'instant de ce lieu de ce lieu sans nom - et toutes les cendres sur ce lieu sans nom

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il gagne la frontière – il marche – il se cache – il cherche à manger – il passe la frontière de nuit – il se cache – il entre dans un autre pays – il prend des petites routes – il travaille – il continue la traversée – il traverse le désert – il partage l’eau – il cherche un bateau – il arrive sur une côte – il gagne un autre pays – il saute dans le vide – un bus rouge s’éloigne – il tourne la tête le soleil frappe la terre du terrain vague – il voit l’herbe incandescente – il marche sur un bout de terre sans frontières sans habitants sans propriétaires sans riches sans pauvres sans maisons sans commerces sans rues sans carrefours sans entrées sans sentinelles sans soldats sans patrouilles de soldats – il contourne une dalle de ciment bordée d’herbes folles – il se couche – il écoute la respiration silencieuse des fleurs minuscules – il glisse sa main sur les nervures d’ une feuille – il écoute le bruit de ses pas sur la terre sèche – il voit les pierres invisibles le vent sur les pierres invisibles sur les fleurs sans nom – le bus rouge traverse la ville s’éloigne de la ville –

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